Julie Bartholomé




               
Artiste pluridisciplinaire, le travail de Julie Bartholomé (née en 1994) s’articule autour de l’évolution du langage et de ses usages, plus particulièrement à partir de l’influence des technologies. Ainsi, de la collecte de matière textuelle à la création de dispositifs d’échanges, au détournement des usages des réseaux sociaux jusqu’au jeu avec la plasticité de leurs interfaces, ses oeuvres déjouent et interrogent les modes de communications actuels aux travers d’installations, de vidéos, de photographies,  d’un travail d’écriture allant jusqu’à la sculpture. Sa démarche devient ainsi un lieu d’investigation autour de la modulation des échanges, des correspondances amoureux aux conditions d’affectes des relations humaines dans leur authenticité. Diplômée en 2019 d’un DNSEP avec mention, à l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Dijon, parcours au sein duquel, elle  est co-fonde de la Revue Fantome, édition d’art contemporain indépendante et participative à parution trimestrielle depuis 2018 avec son collectif éponyme.



Le travail de Julie Bartholomé porte sur le délitement de l’intimité dans les sociétés contemporaines et l’uniformisation des comportements amoureux à l’heure des nouvelles technologies. Parce que la culture consumériste s’est étendue des marchandises aux relations sociales, elle s’alarme de la forme générique qu’elles prennent désormais, désincarnées à force de conventions et de normes aseptisées.
Dans ces installations, performances et vidéos, Julie Bartholomé rassemble les indices de cette dépersonnalisation globalisée qui neutralise de plus en  plus les singularités des individus et les formes de leurs sentiments. Elle se questionne en ce sens sur les moyens de repenser aujourd’hui l’authenticité des affects humains et la sincérité de leur expression. Son travail oppose la mécanique du désir, définie par sa capacité à différer, au dogme de l’immédiateté qui domine dans le monde contemporain.

Dans un système qui valorise en effet la spontanéité des réactions et la satisfaction sans délai, Julie Bartholomé veut rendre compte de la généralisation des réactions d’insatisfaction et de frustration que la communication numérique génère. Les campagnes d’affichage sauvage et la mise en place d’une messagerie pour confessions anonymes sondent ainsi la manière dont le bonheur est devenu un sujet formaté, en un sens stérile, qui s’exprime à travers des réponses standardisées. Elles sont particulièrement représentatives du choix d’une esthétique légère, sinon édulcorée, qui reconduit l’optimisme naïf des discours publicitaires et de la rhétorique du coaching amoureux pour mieux sensibiliser à leur absurdité.
La question du langage, blessé, dégradé, y occupe une place de choix. L’artiste en fait la pierre de touche de la déshumanisation de la communication sentimentale et de l’affaiblissement du discours amoureux contemporain. Qu’elle présente une collection de cadres reprenant les derniers mots de ruptures, qu’elle traduise une adresse amoureuse sous la forme d’un code informatique ou qu’elle réécrive sur du papier à lettre les messages envoyés sur des applications de rencontre, il s’agit de rendre compte de la nette dégradation des méthodes de séduction et de la pauvreté d’une interaction pensée sur le mode de la consommation affective. En rendant visible le passage du langage numérique à la codification comportementale, son oeuvre incarne le deuil d’un langage dénué de patience comme de sensualité, désormais en complète contradiction avec l’économie psychique du désir.

Julie Bartholomé tente néanmoins d’opposer à ce constat des exemples d’actes de vie qui résistent aux opérations de la société industrielle. A travers elle, l’artiste exprime son clair refus de se satisfaire d’un réagencement délétère des relations affectives et livre un vibrant plaidoyer pour un retour à l’authenticité du sentiment amoureux.    


Florian Gaité